Sticks And Stones

Nous sommes arrivés à Agnes Water un matin, après dix heures de bus. Agnes Water est aussi jumelée avec la ville de …1770 (Seventeen-seventy), oui c’est un nom bizarre, mais cela vient du fait que c’est le premier endroit où James Cook posa le pied en Australie lors de sa découverte de la côte Est, en 1770 donc.

Denise, notre nouvelle hôte est donc venue nous chercher, et nous a amené dans sa propriété, qui comme nous l’attendions, est superbe : un immense jardin sur les hauteurs, rempli de manguiers, et dans lequel vivent de nombreux kangourous et wallabies en toute insouciance. A l’horizon, on distingue très distinctement l’océan, d’un bleu pur, c'est beau. Aussi, Denise recueille des kangourous orphelins pour les soigner, et les élever. Nous nous sommes donc retrouvés en compagnie de Micky, Rainy, Buddy, Rosy, Max…Certains dorment encore à l’intérieur de la maison, d’autres ne font que dire bonjour à leurs parents adoptifs le matin !

Pour compléter le tableau exotique, des paons se promènent autour de la maison, et le meilleur compagnon de Gary, le mari de Denise, est un oiseau qui s’appelle Charly.

En ce qui concerne les helpers, nous étions 4 puisque Dee la canadienne et François le français étaient déjà la depuis une semaine.

C’est avec eux que nous avons visité le cap de 1770, et sa magnifique petite plage cachée, et que nous avons été sur la plage d’Agnes durant nos après-midi.

Voilà, tout ça, c’est les points positifs de notre séjour : un cadre rêvé et original. Pourtant, c’est au final notre pire expérience en helpx.

 

Décrivons d’abord rapidement Gary, le mari. Gary, ancien routier, n’était pas méchant, mais un peu bourru. Le genre de gars qui a plein d’anecdotes dégueulasses sur les pesticides, ou les testicules de taureau fermentées qui se retrouvent dans des ingrédients pour une marque de glace. Aussi le genre de mec qui est vexé qu’Antoine apprécie moyen d’avoir son piaf sur l’épaule, alors qu’on savait qu’il avait déjà mordu la joue de ses maîtres, et vu la taille du bec, c’était pas tentant. Il nous embarquait également parfois dans des conversations vraiment étranges :

Gary : "Tu veux faire quoi plus tard ?"

Maxime : "Réaliser des films!"

Gary : "Et faut faire quoi comme métier pour faire des films ?"

Maxime : "Bah...réalisateur"

Gary : "T'apprends ça comment ?"

Maxime : "Bah euh...y a des écoles"

Gary : «Tu manges une pomme ? »

Antoine : « Bah..oui c’est bon…d’ailleurs y en a plein dans ma région en France ! »

Gary : « Y en a plein…et pourquoi t’essayes pas autre chose alors? Pourquoi t’en manges encore hein ?... »

Antoine : « Parce que….j’aime ça ? ».

Cependant, le plus intéressant, c’était la personnalité de Denise : sexagénaire rabougrie à la voix rauque. Nous avons eu de bonnes conversations avec Denise, car du moment que nous parlions de kangourous, elle était heureuse, c’est une vraie amoureuse des animaux. C’est sûrement ça le problème, elle préfère les kangourous aux humains. Aussi, c’est une végétarienne convaincue, qui peut passer des heures à vous raconter comment les barbares indonésiens tuent les vaches, ou pourquoi les produits laitiers et la viande ne sont pas indispensables à l’être humain. D’ailleurs selon elle les guerres dans le monde ont commencé à cause de la viande. Elle a même un régime qui calcule son pourcentage d’acides et d’éléments alkalins dans son corps humain, c’est vraiment poussé…Et au fond c'est très bien tout ce qu'elle fait pour son régime spécial.

Mais comment prendre au sérieux quelqu’un qui prétend avoir la vie la plus saine du monde par son alimentation, alors que cette même personne fume autant qu’un pot d’échappement de 4L?

Ce n’est pas possible, et elle avait beau faire tous les efforts du monde pour bien élever ses kangourous, fumer dans la gueule du petit dernier lorsqu’elle lui donnait le biberon, c’était un peu comme une grosse blague bien cynique.

Mais le vrai problème, c’est qu’elle nous reprochait des choses. Quoi ? On se le demande encore.  L’anglais n’est peut être pas notre langue maternelle, mais nous sommes assez intelligents pour comprendre lorsque quelqu’un complote dans notre dos. Car seule Dee avait les faveurs de Denise, tandis que nous les français, nous étions bêtes et irrespectueux.

Et pourtant, nous avons fait nos heures de travail comme nous devions, nous avons jardiné, désherbé, rangé leur immense bordel dans le garage, construit un petit mur en pierre à la con, mais à part ça nous étions des mauvais invités. Nous avons proposé tous les soirs notre aide pour le repas, à chaque fois déclinée…

Tandis qu’elle continuait de sourire de face, nous sentions au fil de la semaine une ambiance  vraiment malsaine s’installer, sans vraiment savoir si nous nous faisions des idées. Et puis un matin, à 6h, nous avons été réveillé en sursaut par des coups sur la porte. Pas comme quelqu’un qui frappe, mais plutôt comme un malade mental qui martèle la porte de toutes ses forces ! D’abord perturbés, on ne savait pas si nous avions rêvé ou pas, et c’est alors qu’elle recommença, en ajoutant «  WAKE UP BOYS », plus quelque chose qui devait signifier que c’était une sorte de vengeance. Se demandant un peu où il était, Antoine sortit de la chambre et demanda « Pardon vous avez dit quoi ?.. », mais Denise continua son chemin vers la cuisine sans se retourner. Voilà, après investigations auprès de Dee, il nous était reproché d’avoir fait trop de bruit la veille au soir à 23h45. Mais se laver les dents et tirer la chasse d’eau en silence ce n’est pas possible, et surtout si Madame laisse sa porte ouverte.

En tout cas, ambiance, et toujours aucune explication franche. Nous agissions comme à chaque fois, et nous avons des commentaires sur notre profil ventant notre politesse et notre calme, mais quoique nous puissions faire ici, nous n’étions pas les bienvenus.

Suite à cet incident, que nous avons qualifié de « coup de pute », nous avons décidé que si cela venait à se reproduire, nous quitterions leur maison.

La semaine commença a prendre un tournant vraiment très stressant, surtout que nous étions bloqués dans la maison. Les premiers jours, nous étions autorisés à prendre la voiture, et François pouvait nous emmener faire des sorties l’après-midi, comme

expliqué plus haut. Mais Denise décréta qu’elle avait besoin de la voiture, pour aller chez le médecin. Ce qu’elle ne fit jamais, la voiture restant sagement à sa place.

Un soir, alors que François et nous même étions

dans nos chambres respectives, Maxime décida d’aller faire un tour dans la maison. C’est ainsi qu’il se rendit compte que tout le monde avait déjà mangé, sauf nous, puisque personne ne nous avait appelé. En effet, Denise avait interdit à Dee d’aller nous prévenir, et nous avons donc mangé notre maigre soupe entre français. Nous avons considéré cela comme le deuxième carton jaune du séjour.

Antoine n’étant déjà pas dans son assiette du a un mal du pays assez profond cette semaine là, Maxime approuva totalement sa décision de s’en aller le plus vite possible dans une auberge de jeunesse. Il y a un moment où il faut dire stop, ce n’était plus possible de vivre chez des gens si hypocrites, d’autant que la deuxième semaine devait se faire sans Dee et François. Nous ne pouvions pas le faire le lendemain même, puisque le couple présidentiel allait manifester à Bundaberg pour les animaux. De plus ils avaient emporté avec eux le câble internet, puisqu’ils avaient en nous une pleine confiance. Il a fallu attendre le soir pour réserver une auberge, prétextant une urgence, et nous sommes partis le lendemain matin, sans un au revoir de la part de la maîtresse de maison.

Cette semaine aura donc été très mauvaise, et l’attitude étrange de la femme-kangourou aura complètement terni l’image que nous avons d’Agnes Water, qui est pourtant un endroit magnifique. Nous allions donc y passer quelques jours en  backpack’, avant de reprendre notre chemin pour passer sûrement à des jours meilleurs, du côté de Gympie !